Tout comme l’Europe, la France met en avant un hydrogène décarboné, produit à partir d’énergies renouvelables.
Mais, dispose-t-on de suffisamment de soleil et de vent pour y arriver ? Et le scénario du 100 % vert est-il réaliste ?
D’abord, il faut rappeler ce qu’on entend par hydrogène vert. Par opposition à l’hydrogène gris, obtenu à partir d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel), ou le bleu (obtenu aussi à partir d’énergies fossiles, mais avec séquestration du carbone), le vert est le mode le plus respectueux de l’environnement. Il est produit par électrolyse, à partir d’eau et d’une électricité d’origine renouvelable. Cette dernière est issue généralement des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Alors que la production d’une tonne d’hydrogène gris émet 10 tonnes de CO2, 1 GW d’électrolyse permet de produire entre 40 000 et 100 000 tonnes d’hydrogène vert, évitant au passage le rejet de 400 000 à 1 million de tonnes de CO2…
Ce mode de production s’applique déjà dans des stations de remplissage à l’hydrogène, avec une énergie produite localement. C’est notamment le cas à Pau et près de Béthune, où ce type d’hydrogène fait rouler des bus. Dans le cadre des appels à projets initiés par l’ADEME, et visant à développer l’infrastructure dans les territoires, c’est bien l’hydrogène vert qui est encouragé.
Le choix de la start-up française Lhyfe est de développer cette filière en s’appuyant notamment sur des champs d’éoliennes, comme en Vendée. Sur le parc de Bouin, la jeune pousse va directement brancher un électrolyseur et obtenir ainsi de l’hydrogène vert.
Pour leur part, Air Liquide et ENGIE ont décidé de s’associer avec l’agglomération Durance, Luberon, Verdon (DLVA), dans le sud de la France, pour produire massivement de l’hydrogène vert à partir d’énergie solaire. L’accord de coopération s’inscrit dans le cadre du projet « HyGreen Provence », initié en 2017, et qui vise une production de 1 300 GWh d’électricité solaire, ainsi que la production par électrolyse de l’eau d’hydrogène renouvelable à échelle industrielle.
L’Europe mise à fond sur l’éolien et le solaire, à travers l’initiative 2 fois 40 GW, en association avec Hydrogen Europe. L’objectif est d’augmenter considérablement les capacités d’électrolyse en Europe, quitte à importer des énergies renouvelables depuis l’Ukraine et le Maghreb.
Selon une étude réalisée par Agora Energiewende et le think-thank britannique Ember, 38 % de l’électricité produite dans l’Union européenne l’an passé provenait d’énergies renouvelables contre 37 % pour les énergies fossiles. C’est l’utilisation de l’énergie solaire qui a le plus progressé en Europe l’an passé avec une augmentation de 15 %, devant l’éolien qui voit sa part s’accroître de 9 %. L’hydroélectricité et la biomasse sont stables. Il est à noter que l’utilisation du charbon a chuté de 48 % en 5 ans et ne représente plus que 13 % du mix énergétique sur le Vieux continent. Le Danemark est le champion d’Europe avec 62 % de son électricité générée par le renouvelable. Viennent ensuite l’Irlande (35 %), l’Allemagne (33 %) et l’Espagne (29 %). En France, où le nucléaire reste prédominant, les énergies renouvelables ne représentent que 10 % de notre mix. C’est encore trop peu, mais c’est deux fois plus qu’en 2015.
Mais, il existe d’autres sources que le vent et le soleil. On peut aussi faire appel aux barrages hydrauliques pour obtenir une électricité « verte ». C’est par exemple le schéma retenu par Hyundai en Suisse, qui s’est associé à H2 Energy et Alpiq pour produire de l’hydrogène vert pour ses camions à hydrogène, à partir d’une centrale électro-hydraulique. Au Canada, Air Liquide utilise de l’électricité issue de l’eau de son partenaire Hydro-Québec pour produire massivement de l’hydrogène vert sur son site de Bécancour (Québec), afin d’alimenter les marchés de la mobilité et de l’industrie en Amérique du Nord.
Plus surprenant : on peut aussi utiliser du bois pour faire de l’hydrogène renouvelable. L’entreprise Haffner Energy a développé un procédé innovant (Hynoca) qui repose sur la thermolyse (chauffage) de la biomasse et la gazéification. Ce procédé permet d’obtenir « l’hydrogène renouvelable le plus compétitif qui soit », « pur à 99,97 %. Un démonstrateur industriel de production d’hydrogène à partir de biomasse est annoncé pour 2021 à Strasbourg, où cette énergie décarbonée permettra de faire tourner quotidiennement une cinquantaine d’autobus ou véhicules équivalents. Il s’agira d’une première mondiale, réalisée pour le compte de l’opérateur R-GDS (ex-Gaz de Strasbourg), dans le quartier de la Meinau. Pour la biomasse, Haffner Energy a fait le choix de la matière organique issue du bois et de déchets agricoles et forestiers. Le procédé Hynioca permet de ne pas rejeter de CO2 dans l’atmosphère et de baisser les coûts à 5 euros pour 1 kg d’hydrogène.
Autre intérêt de la technologie : le gaz de synthèse issu de la thermolyse peut être utilisé pour produire de la chaleur si la demande en hydrogène était insuffisante.
Et puis, il faut prendre également en compte le gaz obtenu de manière renouvelable. Ainsi, le biogaz (ou gaz de synthèse) produit par la fermentation de matières organiques permet de faire de l’hydrogène renouvelable. C’est en utilisant des déchets ménagers que la ville de Dijon va par exemple produire de l’hydrogène, qui servira à alimenter des bennes à ordures roulant en mode zéro émission dans le cadre du projet DMSE (Dijon Métropole Smart Energhy, avec Rougeot Energie).
En attendant la montée en puissance de l’hydrogène vert, il faudra sans doute panacher les couleurs pour répondre aux besoins. Une nouvelle étude de l’Hydrogen Council, réalisée par McKinsey, avec le concours du LBST (Ludwig-BölkowSystemtechnik GmbH) en Allemagne, estime que la production d’hydrogène vert et bleu est à même de réduire les émissions de CO2 de 60 à 90 % par rapport aux énergies fossiles. Et que ces deux modes combinés laissent entrevoir un prix de l’hydrogène à 2 euros le kilo à l’horizon 2030.