Alors que Thomas Pesquet se trouve au-dessus de nos têtes dans l’ISS et que des sondes sont envoyées sur Mars, quelle est la place de l’hydrogène dans la conquête spatiale ?
Lorsqu’il a décollé de Cap Canaveral, le 23 avril, Thomas Pesquet a pris place à bord de la capsule Crew Dragon de Space X, propulsée par une fusée Falcon 9. La firme américaine préfère utiliser du kérosène, plutôt que de l’hydrogène. En revanche, lorsque le spationaute français était parti la première fois en 2016, c’était à bord d’un lanceur russe, un Soyouz MS dont les propulseurs utilisent du péroxyde d’hydrogène. En Europe, ArianeGroup a fait le choix depuis 1979 d’un mélange d’oxygène liquide et d’hydrogène liquide. Ce choix technique sera reconduit pour la prochaine fusée Ariane 6, dont le premier tir est prévu en 2022. « La cryogénie va continuer à propulser les fusées dans les vingt prochaines années pour une raison simple : dans une molécule d’hydrogène, il n’y a pas de carbone, c’est abondant et la densité énergétique est imbattable. C’est le meilleur compromis entre la puissance, la masse et le stockage », avance Jean-Christophe Henoux, le directeur projets futurs, cité par Le Parisien.
De l’hydrogène pour recycler l’eau à bord
Qu’on le veuille ou non, l’hydrogène a sa place dans l’espace, y compris à bord de l’ISS. Un autre spationaute français, Jean-François Clervoy révèle qu’à bord, l’humidité ambiante provenant de la transpiration et de la respiration des astronautes, est récupérée et transformée également en eau potable. Une partie de cette eau potable est électrolysée grâce au courant électrique. Ce système a pour but de dissocier l’eau en hydrogène et en oxygène. « L’oxygène est relâché dans la cabine pour respirer. L’hydrogène est combiné avec le gaz carbonique issu de l’expiration des astronautes, et transformé en eau potable et en méthane grâce à une réaction chimique que l’on appelle l’effet Sabatier. L’eau est donc toujours recyclée à bord de l’ISS », a-t-il expliqué sur France Info.
Quant à Thomas Pesquet, il s’est livré à un test lors de sa première mission dans l’ISS. Il a dû boire de l’eau contenant du deutérium (isotope de l’hydrogène) pendant 11 jours, en association avec un régime qui devait permettre de mesurer les apports énergétiques.
Produire de l’hydrogène à partir de l’eau des astéroïdes
Plus surprenant, le spationaute star estime qu’une nouvelle course spatiale est en train de se préparer : celle du forage des astéroïdes. On peut certes y aller afin de puiser des métaux précieux (or, nickel, cobalt) – mais surtout de l’eau. « Cette dernière est présente en grande quantité dans de nombreux astéroïdes à portée de la Terre ou localisés de façon très pratique sur le « trajet » vers Mars, et pourrait s’extraire de manière relativement simple », peut-on lire dans un article paru dans Business Insider. Et Thomas Pesquet de poursuivre : « L’eau, dans l’espace, est nécessaire à la vie des futurs voyageurs, protège des radiations, mais sert surtout à produire le carburant nécessaire à toute l’entreprise. Un astéroïde d’un diamètre somme toute modeste de 75 mètres pourrait contenir l’ensemble du carburant utilisé… par les 135 lancements de la Navette spatiale ».
A l’appui de cette déclaration, une étude publiée en 2018 par des chercheurs montre qu’il est possible de produire de l’hydrogène (pour le carburant) et de l’oxygène (à respirer) à partir de l’eau seule en utilisant un matériau semi-conducteur et de la lumière du soleil en apesanteur. L’équipe de scientifiques a ainsi été capable de diviser l’eau en ses composants, faisant des voyages prolongés dans l’espace une possibilité réelle. Le processus de séparation de l’eau en hydrogène et en oxygène à l’aide d’un courant électrique est connu sous le nom d’électrolyse.
La lune reconvertie en centre de production d’hydrogène ?
L’agence aérospatiale japonaise (JAXA) a révélé son intention d’installer une usine de production d’hydrogène sur la lune d’ici 2035. … La création d’une telle unité de fabrication d’hydrogène, par électrolyse, permettrait d’éviter une partie des dépenses nécessaires au transport du carburant de la Terre vers la Lune.
Et d’où viendrait la matière première ? Il se trouve que notre satellite naturel est en fait gorgé d’eau, sous forme de molécules de glace prises au piège dans des milliards de tout petits cratères de quelques millimètres de diamètre et répandus sur la majeure partie de la surface lunaire qu’on appelle des pièges froids. Les japonais entendent convertir en hydrogène les réserves d’eau supposées du pôle sud de la Lune. Le carburant dérivé de l’eau serait utilisé pour alimenter en énergie les vaisseaux spatiaux réutilisables qui transporteront quatre astronautes depuis et vers la passerelle, ainsi qu’un véhicule de transport qui pourra parcourir jusqu’à 1 000 kilomètres au sol sur la surface de la Lune. La JAXA a déclaré qu’il faudra 37 tonnes d’eau pour un voyage aller-retour vers la passerelle, alors que 21 tonnes seront nécessaires pour chaque voyage d’exploration en surface. Pour sa part, l’Agence spatiale européenne (ESA) travaille sur un projet d’extraction de l’oxygène qui se trouve dans le régolithe lunaire (la fine poussière recouvrant le sol). Ce régolithe et les roches sur la Lune contiennent beaucoup d’oxygène sous forme d’oxyde métallique de fer, de titane et de silicium. Par électrolyse, grâce à l’énergie solaire, on pourrait récupérer à partir d’un bain de roches fondues cet oxygène et générer en plus de l’hydrogène.
De l’hydrogène sur Mars ?
L’Agence spatiale européenne (ESA), toujours elle, annonce avoir isolé des traces de chlorure d’hydrogène dans l’atmosphère de Mars. Elles ont été détectées par l’orbiteur ExoMars. Ce chlorure d’hydrogène est composé d’un atome d’hydrogène et d’un atome de chlore. Cette découverte permet de mieux comprendre le climat sur la planète rouge. Le changement des saisons sur Mars, et en particulier l’été relativement chaud dans l’hémisphère sud, semble être le moteur de nos nouvelles observations telles que la perte accrue d’eau dans l’atmosphère et l’activité de la poussière liée à la détection du chlorure d’hydrogène, écrit sur son site l’ESA. Et d’ajouter : selon les experts, l’eau liquide se serait autrefois écoulée à la surface de Mars, comme en témoignent les nombreux exemples d’anciennes vallées asséchées et de canaux de rivières. Aujourd’hui, elle est principalement enfermée dans les calottes glaciaires et enfouie sous terre. Mars perd encore de l’eau aujourd’hui, sous forme d’hydrogène et d’oxygène s’échappant de l’atmosphère.