Grâce à sa capacité de stockage des énergies renouvelables, l’hydrogène permet d’électrifier des sites isolés et des îles. Et il autorise par ailleurs d’autres usages, dont ceux liés à la mobilité.
Bien avant que l’hydrogène ne soit à la mode, la Corse s’est dotée dès 2012 d’une plateforme pour étudier l’impact de cette forme d’énergie couplée au solaire. Il s’agit de la plateforme MYRTE (Mission hYdrogène Renouvelable pour l’inTégration au réseau Electrique), mise en place par l’Université de Corse Pasquale Paoli, HELION Hydrogen Power* et le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives). Nichée au cœur du maquis à Vignola, sur la route des Sanguinaires près d’Ajaccio, c’est l’une des rares installations au monde capable d’étudier en condition réelles le couplage énergies renouvelables et hydrogène-énergie. Elle dispose de plus de 500 kW de panneaux photovoltaïques, connectés à une chaîne hydrogène comprenant un électrolyseur, qui produit de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’une pile à combustible dont le rôle consiste à transformer en électricité ces gaz préalablement stockés. Ce qui permet de disposer de l’énergie, la nuit et par temps couvert. Cette année, la plateforme va s’enrichir de nouveaux équipements, dont un système Hydrogène/Air (qui a pour nom FC Rack qui viendra renforcer la capacité de production électrique existante), ainsi que des batteries au lithium afin d’optimiser le stockage journalier. Une station de recharge pour voitures à hydrogène va également compléter l’installation existante.
De l’énergie pour le cirque de Mafate
Toujours en France, mais bien plus loin, la Réunion permet aussi de valider l’intérêt de l’hydrogène en milieu insulaire. Littéralement coupé du monde, le cirque de Mafate ne peut compter que sur le soleil pour produire son électricité. Jusqu’ici, il était alimenté par des panneaux photovoltaïques, mais ceux-ci sont vieillissants et peinent à faire face à la demande, face à la croissance du tourisme. Bien que le site ne soit desservi par aucune route (on n’y accède que par la marche ou par hélicoptère), et ne disposant pas de réseau électrique, 100 000 personnes viennent le visiter chaque année. A l’année, il n’y a que 700 habitants, répartis dans une dizaine de hameaux. Le groupe EDF a proposé d’y expérimenter une solution de stockage d’électricité via l’hydrogène. La solution a été développée par Powidian (une PME issue d’anciens d’Airbus). Sa technologie, baptisée « SAGES » (Smart Autonomous Green Energy System) permet d’emmagasiner l’électricité excédentaire produite par les panneaux photovoltaïques installés sur les toits des bâtiments publics. Elle est ensuite convertie via un électrolyseur en hydrogène, qui peut être re-transformé en électricité que l’on peut injecter dans un micro-réseau en cas de besoin. Ainsi, quand il y a moins de soleil, les habitants continuent à bénéficier d’énergie.
Powidian exporte ses solutions
Le même Powidian, dont Bouygues Energies a pris une part du capital récemment, a aussi déployé ce type de solution le long du fleuve Maroni, en Guyane, pour apporter du courant dans une école. La PME participe par ailleurs à un programme européen destiné à apporter de l’électricité verte dans des îles en Norvège. Baptisé Remote, ce programme au budget de 6,8 millions d’euros, se fait en partenariat avec le norvégien TronderEnergi, Ballard et Hydrogenics, sur les îles Froan. A partir d’éoliennes, l’idée est de stocker l’électricité sous forme d’hydrogène afin de fournir de l’énergie en continu pour des logements et pour une conserverie de poissons. L’Union européenne finance 70 % de ce projet, qui permet de remplacer un réseau électrique sous-marin qui arrive en fin de vie et dont le coût de remplacement serait très élevé.
L’exemple de l’Ecosse
Dans ce pays, l’hydrogène a été appliqué aussi aux îles Orcades, situées au nord-est. Le cas de figure est différent, car il s’agissait d’exploiter le surplus d’énergie produit par les éoliennes. Au lieu d’arrêter les éoliennes, la réflexion a été de transformer en hydrogène le courant électrique excédentaire. C’est ainsi qu’est né le projet BIG HIT (Building Innovative Green Hydrogen Systems in Isolated Territories). L’électricité générée par les éoliennes sur les îles d’Eday et de Shapinsay est convertie sur place par des électrolyseurs en hydrogène, qui est ensuite transporté à terre par des remorques spéciales (tube trailers), afin de chauffer des maisons et alimenter des véhicules zéro émission (des Renault Kangoo appartenant au conseil municipal des îles Orcades). A Kirkwall, l’hydrogène sert également à alimenter en courant une marina et trois ferries quand ils sont à quai. Ce projet sert de vitrine et montre que l’hydrogène peut vraiment jouer un rôle pour apporter de l’énergie renouvelable dans des sites isolés et contraints.
*Cette filiale d’AREVA vient d’être rachetée par le groupe Alstom